Art

Martha Rosler

Quand j’étais encore à la fac, j’ai eu l’occasion d’étudier plein d’artistes différent.e.s, et de faire des dossiers sur certain.e.s. Je trouvais intéressant de partager par ici leur travail, et des angles de compréhension quand je suis capable d’attaquer ce sujet, mais je ne savais pas trop comment tourner ça… Finalement je vais sans doute laisser ça dans l’état où je l’ai écrit à l’époque, la rédaction sera sans doute plus « scolaire ». J’ai envie de refaire ce genre d’exercice, de vous présenter d’autres personnalités à l’occasion, et c’est sans doute cet aspect qui me manque le plus de mes études du coup vous verrez sûrement d’autre chose de ce genre par ici ! 

La lecture est plus longue que mes articles habituel, mais je trouvais vraiment intéressant de laissez la partie d’analyses d’œuvres.  N’hésitez pas à me faire des retours, et bonne lecture  !

Biographie

Martha Rosler est une figure majeure de l’art contemporain. Elle travaille avec l’image et le texte, mais aussi par le biais de l’installation et de la vidéo. Ces outils lui servent à interroger le contexte culturel, économique et social de son époque.

Elle voit le jour le 29 Juillet 1943 à Brooklyn. Dès son adolescence, dans les années soixante, elle s’engage dans les mouvements féministes et anti-guerre. Elle développe une pratique artistique qui amène une réflexion critique vis-à-vis de la société américaine. Entre 1966 et 1972, elle réalise « Bringing the War Home » qui témoigne de son engagement pacifiste.

Au début des années 70, elle découvre la photo. Elle apprend à assembler par collage les images de la culture de masse, issues de magazines ou publicités. Elle intègre en 1974 l’université de Californie à San Diego où elle fréquente des artistes comme Allan Kaprow ou Miriam Shapiro, mais aussi des philosophes tel que Jean-François Lyotard. Le lieu de contestation et de débats philosophiques ou esthétiques dans lequel elle évolue, ainsi que
ces rencontres, vont marquer durablement sa pensée.

Vers 1975, elle découvre le médium vidéo. Il devient rapidement son médium de prédilection par son caractère accessible et démocratique. Elle réalise « Semiotics of the
Kitchen » une vidéo qui interroge l’identité féminine.

Œuvre : "In the Place of the Public : Observations of a Frequent Flyer"
In the Place of the Public : Observations of a Frequent Flyer

En 1983, elle explore des lieux de transitions en photographiant pour « In the Place of the Public : Observations of a Frequent Flyer » des aéroports pour leur aspect impersonnel. Elle réitère l’exercice entre 1990 et 2000 pour « Ventures Underground » où elle photographie des métros. Elle se qualifie alors d’artiste itinérante.

A l’aube des années 90, elle réalise sur le thème de la précarité plusieurs installations. La première « Housing is a Human Right », en 1989, sous forme de vidéo. La même année  l’installation « If you live here… » s’attarde sur la question de l’habitation et du droit au logement. A la fin de la décennie, elle interroge les conditions de vie des sans-abris dans « Homeless : The Street and Other Venues ».

Elle n’abandonne néanmoins pas ses thématiques précédentes, et en 2004 elle poursuit sa réflexion sur la représentation de la femme dans les magasins et vitrines avec « Transitions and Disgressions ».

Œuvre : "Housing Is a Human Right".
Housing Is a Human Right, 1989

Actuellement, son travail poursuit toujours cette critique des médias de masse, de la guerre et de l’économie mondiale dans un monde occidental hégémonique. Martha Rosler a toujours à cœur de défendre l’égalité, que ce soit entre les femmes et les hommes, mais aussi vis-à-vis des pays en guerre ou encore des sans-abris. Elle réalise un parallèle entre le comportement des occidentaux sur les autres pays avec la condition de la femme soumise au machisme des hommes.

Un engagement féministe

Les années soixante sont des années clés pour le féminisme, et plus largement pour l’évolution des droits aux Etats-Unis. En 1963 la loi sur l’égalité des salaires est votée, et en 1964 celle sur les droits civiques abolit théoriquement toutes les formes de discriminations aux Etats-Unis.

Œuvre :  "Body Beautiful, or Beauty Knows No Pain? "
Body Beautiful, or Beauty Knows No Pain? 1967 – 1972

Les consciences s’éveillent et différentes revendications voient le jour. Le terme « sexisme » se répand et le concept de patriarcat voit le jour. La maîtrise de son corps est au centre des préoccupations avec les questions autours de la contraception, la sexualité ou encore la représentation qui en est faite. Les féministes de cette « deuxième vague » expriment plus fortement leurs frustrations. Elles dénoncent leur enfermement et les carcans qui les entourent.

Le « mouvement des femmes dans l’art » fait surface dans le creux de cette deuxième vague féministe. Leur but, par le biais de l’art, est de faire sortir les femmes de leur isolement, exposer leur être et leur identité féminine aux yeux de tous. Martha Rosler est l’une des premières artistes qui ont tentées de placer l’homme et la femme au même niveau. Dans les années 60, elle considère la femme comme la victime d’un pays conservateur où son image est uniquement utilisée comme un objet d’attraction.

Œuvre :  "Body Beautiful or Beauty Knows No Pain "
Body Beautiful or Beauty Knows No Pain, 1966 – 1972

Elle explore le contraste entre le pouvoir des hommes et le rôle des femmes dans la société américaine. Elle analyse par le biais de photomontages et de performances l’oppression dont les femmes sont l’objet. Elle juxtapose des images domestiques aux images de guerre et corps fragmentés issus de publicités.

Son travail est nourri par des photos de revues et de magazines. Elle critique l’usage que font les médias de l’image de la femme. Elle cherche à révéler la manière dont cette représentation est véhiculée par la presse papier avec un vocabulaire plastique toujours plus cynique. La série « Body Beautiful, or Beauty Know No Pain » (1966 – 1972) s’inscrit dans cette démarche.

Avec « Semiotics of the Kitchen » en 1975, elle questionne au travers d’une vidéo l’identité de la femme. Ce travail lui permet de développer ses investigations politiques, elle continue de détourner l’image de la domination et du conservatisme de la culture nord-américaine et du monde masculin. Ses travaux sur la situation de la femme s’enchaîne.

En 1977 avec « Vital Statistics of a Citizen, Simply Obtained » elle se dévoile nue en train de subir un examen médical. Examinée par deux hommes, elle se retrouve dans un lieu totalement aseptisé qui devient la métaphore des canons rigides du positionnement social. En 1982, elle déconstruit les messages de publicités et du magazine Vogue dans « Martha Rosler Reads Vogue : Wishing Dreaming, Winning, Spending ».

« House beautiful: bringing the war home » (1967-1972)

Œuvre : House beautiful: bringing the war home
House beautiful: bringing the war home, 1969 – 1972

Réalisé entre 1967 et 1972 la série est composée de vingt photomontages en couleur ou en noir et blanc. Divisé en deux parties « Bringing the War Home: House Beautiful » pour les quinze premières et « Bringing the War Home: In Vietnam » pour les cinq dernières.

Martha Rosler vit à San Diego, une ville militaire où il est impossible dans les années soixante de ne pas prendre de parti vis-à-vis du conflit au Vietnam. Elle utilise le slogan « Bring the war home ! » qu’elle récupère auprès des opposants à la guerre.

Elle allie des images issues de Life pour les mettre avec celles d’intérieurs idéaux publiées dans le House Beautiful, un magazine incarnant le rêve domestique américain des années soixante. Tous les jours les médias amènent des faits extérieurs dans nos foyer, mais ceux-ci ne débordent que rarement du cadre du petit écran. Le choc visuel entre les images de guerre côtoyant celles d’intérieurs accentue l’empathie des spectateurs. La série analyse, de manière théâtrale, la violence et les injustices du monde moderne. L’artiste choisit des images issues de contextes volontairement différents pour mettre en scène des contradictions.

Elle reprend cette série en 2004 pour dénoncer la guerre en Irak et en 2008 pour le conflit en Afghanistan dans « Bringing the War Home: House Beautiful, New series ».

Certaines œuvres récentes établissent un lien avec les réalisations de la précédente série. Le soldat amputé dans « Amputee » (2004) rappelle la petite fille vietnamienne dans « Tron » (1967 – 1972). Le décor luxueux de « Vanitas » (2004) évoque celui de l’intérieur de Pat Nixon dans « First Lady » (1967 – 1972).

Œuvre : Bringing the War Home: House Beautiful, New series
Bringing the War Home: House Beautiful, New series, 2004

« Semiotics of the Kitchen » 1975

Dans cette vidéo, Martha Rosler se filme en plan fixe, vue frontale, en train de lister des ustensiles de cuisines. Elles les énoncent de manière monotone, dans un ordre alphabétique à l’inverse des shows télévisés qu’elle parodie ici. Elle interroge ce stéréotype féminin de la femme cantonnée à la cuisine, elle révèle ici leurs profondes frustrations.

Œuvre : Semiotics of the Kitchen
Semiotics of the Kitchen, 1975

Elle mime l’utilisation de ces objets dans des situations absurdes, loin de leurs usages traditionnels. Ici la fourchette sert à un assassinat ou la louche mélange frénétiquement. La chorégraphie devient au fil de la vidéo de plus en plus violente pour finir en apothéose sur les dernières lettres de l’alphabets ou le « X » apparaît comme une crucifixion.

La manière d’agir de Martha et la répétition de ses actes de ménagère met en lumière l’oppression féminine. Elle pose le cadre d’une existence réduite à la confection de plats. Elle semble à travers ce travail vouloir ouvrir les yeux à ces femmes qui agissent dans leur cuisine de manières automatiques et mécaniques.

La vidéo se termine sur un « Z » au couteau fendant l’air. Elle finit en haussant les épaules et en s’excusant de la main. Un sourire en coin arrive en conclusion. Ainsi elle nous livre une leçon qui vise à libérer la femme de ses gestes quotidiens pour aller vers son émancipation.

DOSSIER ÉCRIT EN 2017, DANS UN CADRE UNIVERSITAIRE.

Bibliographie

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